Lauréat Carte Blanche Etudiants 2018
Kata Geibl
Série Sisyphe
Dans la mythologie grecque, Sisyphe enchaîna Thanatos, le dieu de la mort. Ainsi, plus personne ne mourrait sur Terre. Sisyphe fut puni et condamné à pousser un énorme rocher jusqu'au sommet d'une montagne. Mais à peine était-il arrivé au sommet que le rocher dévalait à nouveau la pente, l'obligeant à recommencer éternellement. Chaque jour, notre conception du monde change de manière radicale. La science a remplacé la religion. Nous sommes submergés d'images au quotidien. Nous voulons accéder instantanément au savoir. La photographie est capable de capturer tout ce qui se trouve devant l'objectif. La machine voit même ce que l'œil humain est incapable de déceler. Nous pouvons observer des univers, des explosions d'étoiles, des mondes microscopiques et des détonations de bombes atomiques, tout en étant protégés par la distance. Avec ces images, nous pensons que nous pouvons mieux comprendre comment le monde fonctionne, sans le vivre ni le voir de nos propres yeux. J'ai toujours pensé que le jour où je comprendrais le fonctionnement du temps, je comprendrais le monde qui nous entoure. La science mesure le temps, le catégorise, le piège. L'humanité commence à se rendre compte que son temps est compté. Nous essayons donc d'anticiper l'avenir et de nous préparer à faire face à toute éventualité. Ces dernières années, j'ai souvent été aux prises avec le sentiment de « l'être-pour-la-mort » (Sein-zum-Tode) de Martin Heidegger. Un sentiment qui s'empare peu à peu de ma vie, mais peut-être aussi de toute l'humanité. L'homme tend à croire que l'histoire progresse, qu'elle ne se répète jamais et qu'il tire des leçons des erreurs du passé. J'aime à croire que le temps et l'histoire font une boucle et que tout se répète. Dans la série Sisyphe, j'ai construit un laboratoire imaginaire dans lequel c'est au lecteur de décider où se situe la frontière entre la fiction et la réalité, sans aucune explication scientifique.